Les Samis, peuple du nord de la Scandinavie, nous ont laissé une belle tradition de sculpture : la kuksa (en finlandais) ou kasa (en suédois) scandinave, taillée à l’origine dans une loupe de bouleau. Tasse à tout faire : boire directement dans un ruisseau à tout moment de la journée, siroter son breuvage préféré au campement le soir ou encore cueillir des baies à l’envi lors de balades forestières.
On sculpte la kuksa dans du bois tendre et droit de fil lorsqu’on est débutant. Après avoir fendu un gros billot de bois en deux ou en quatre, on dessine la forme de la tasse et on sculpte à la hache la forme extérieure. On peut ensuite évider le bol à l’aide de gouges pour finir ensuite par la finition au couteau de l’extérieur.
Une fois séchée lorsqu’elle est taillée dans du bois vert, elle est prête à être huilée pour la rendre imperméable.
Je vous propose de voir maintenant dans le détail et en image les étapes successives de la fabrication de cette légendaire tasse de bivouac. A vos outils !
OUTILS | BUDGET | TEMPS DE FABRICATION | NIVEAU DE DIFFICULTÉ |
1 massette 1 ou 2 coin(s) à fendre 1 hachette 1 à 2 couteau(x) de sculpture 2 gouges de sculpture 1 maillet bois 1 couteau croche 1 établi de sculpture | 250€ environ | 1 demi-journée à 1 journée Peut s’étaler par sessions de 1h à 2h/jr sur plusieurs jours ou plusieurs week-ends | Intermédiaire. S’adresse idéalement à des personnes déjà un peu initiées à la sculpture au couteau et à la gouge. Mais peut aussi s’envisager pour des débutants débrouillards et motivés. |
1 – Avoir les bons outils et le bon bois
Quels outils faut-il pour sculpter une kuksa ?
- Pour fendre votre billot de bois vert :
- Une masse ou une massette
- Vous en trouverez dans votre grande surface de bricolage habituelle ou ici d’un très bon rapport qualité/prix
- ne frappez jamais des coins à l’aide de votre hache de sculpture, cela endommage à terme votre hache en affaiblissant le métal au niveau des joues de la tête de hache.
- Un, deux ou trois coins selon la taille du billot
- Ce coin Leborgne est très bon et à petit prix, vous le trouverez sur Amazon (en lien) ou dans votre grande surface de jardinage près de chez vous.
- Une masse ou une massette
- Pour sculpter la kuksa :
- Une hache de sculpture,
- La hachette Bison « Sculpture », légère et bien affûtée, est d’un excellent rapport qualité/prix
- Un couteau de sculpture pour les finitions
- le Mora 106 ou le 120 sont parfaits pour ce type de travaux
- En option vous pouvez ajouter ce couteau à deux manches de chez Beavercraft qui vous simplifiera grandement les finitions extérieures de votre tasse.
- Deux gouges de sculpture larges et creuses pour creuser l’intérieur de la kuksa
- idéalement une gouge droite et une courbée (si votre budget est serré, achetez uniquement la « courbée »)
- Les gouges Pfeil n°8/25 (droite) et 8L/25 (courbée) sont parfaites pour ce travail (8 est le numéro du pas de la gouge, c’est à dire le cintre, et 25 est la largeur en mm du tranchant de la gouge)
- Un maillet en bois ou un simple morceau de branche
- Pour frapper votre gouge au moment du creusage
- Voici un maillet en bois d’un bon rapport qualité/prix
- Un couteau croche pour finir le fond de la kuksa
- Le modèle 164 de chez Mora avec étui, est un bon compromis coût/efficacité pour ce travail
- Un établi de sculpture relativement solide et stable
- soit un établi de sabotier
- soit un petit banc de sculpture
- soit un étau assez large fixé sur un établi
- Une hache de sculpture,
Quel bois faut-il utiliser pour sculpter une kuksa ?
Traditionnellement, les kuksas (ou « Kasa » en suédois, « kuksa » étant finlandais) étaient sculptées en Scandinavie par les Samis dans des loupes de bois de bouleau. Leurs fibres tordues en tout sens permettent d’obtenir une tasse très solide et particulièrement résistante aux changements de température. Mais c’est aussi ce qui rend la sculpture de ce type de bois extrêmement difficile, tout particulièrement pour un débutant.
Ajouter à cela que peu de personnes peuvent aujourd’hui choisir leur bois en forêt, qui plus est une loupe d’arbre, la méthode la plus simple est de réaliser une kuksa dans du bois droit de fil, c’est à dire à partir de n’importe quel tronc d’arbre.
Cette méthode a été notamment popularisée par le sculpteur de kuksas britannique Paul Adamson dont vous pouvez vous procurer le très bon ouvrage en anglais : « Kuksa : A guide to hand carved Wooden Cups ».
Pour sculpter une tasse en bois, l’idéal est de trouver :
- Un billot de bois vert de 30cm de diamètre minimum.
- Un bois tendre à mi-dur, surtout si vous êtes débutants, est préférable pour faciliter le travail de sculpture.
- Un bois au grain fin à relativement fin sera également un plus :
- le tilleul, l’aulne, le bouleau ou encore le cèdre rouge (thuya) sont de très bons bois pour cela.
Pourquoi utiliser du bois vert pour sculpter une kuksa ?
Parce que le bois vert est beaucoup plus facile à sculpter.
Cela vous oblige certes à porter une attention particulière au séchage mais cela n’est pas aussi compliqué que l’on croit. Quelques précautions simples à mettre en oeuvre suffisent pour faire sécher sa tasse sans dommage. Et rassurez-vous, je vous dit tout dans cet article (voir chapitre suivant).
Puis-je utiliser du bois sec pour sculpter une kuksa ?
Oui, il est tout à fait possible d’utiliser du bois sec pour sculpter une kuksa. Le bois sera plus dur à sculpter que le même bois en bois vert mais cela reste possible. Dans ce cas il est encore plus impératif de choisir un bois tendre, tilleul, aulne ou cèdre. Le double avantage c’est que vous n’aurez ni à vous soucier de l’équarrir, car vous le trouverez alors dans une scierie locale et que vous n’aurez pas à vous soucier des précautions de séchage. L’inconvénient est que vous le paierez plus cher car le bois vert se donne assez facilement généralement.
Alors à vous de faire le choix de votre bois en fonction de vos circonstances personnelles et locales.
Vous ne savez pas comment vous procurer du bois près de chez vous ? Je vous dis tout pour savoir où trouver du bois (vert comme sec) pour sculpter dans mon article détaillé sur la question.
2 – Fendre le bois par le coeur
La première chose à faire pour commencer à sculpter est de fendre le billot de bois vert en 2 à minima.
En effet, le bois craque au séchage. Et toutes les tensions de séchage passent par le coeur puisque les fibres sont collées en cercles (les cernes du bois). Pour minimiser ces tensions de séchage, il faut donc fendre le bois en passant par le coeur. Cela libère une bonne part des tensions de séchage et minimise ainsi les possibilités futures de fentes au moment du séchage.
Si vous avez un grand billot, comme c’était mon cas avec un billot de cèdre rouge de plus de 50cm de large (voir photos ci-dessus), vous devrez même le fendre en 4 ce qui est encore mieux au final.
- Quelques conseils pour minimiser les fentes au séchage :
- Peignez le bois de bout (la partie où l’on voit les cernes) ou mettez-y de la colle, dès que vous coupez ou que l’on vous confie votre billot de bois vert,
- L’idée est de boucher tous les pores du bois de bout car le bois sèche beaucoup plus vite par cette véritable « porte d’entrée » du séchage et est donc à l’origine des fentes de séchage.
- Stockez votre billot à l’ombre et à l’abri du vent.
- Le soleil et le vent sont en effet les deux piliers du séchage.
- Le frigidaire est un endroit qui répond très bien à ces exigences (voire le congélateur si vous ne pouvez pas sculpter votre kuksa avant plusieurs semaines).
- Le mur nord d’une maison, une cave bien fraiche ou un garage toujours frais feront aussi très bien l’affaire.
- Placez toujours votre morceau à sculpter dans un sac plastique bien fermé à chaque fois que vous vous arrêtez de sculpter.
- Vous pouvez même mouiller entièrement votre morceau à sculpter avant de la placer dans votre sac. Cela ralentira encore le séchage.
- Vous l’avez compris, le séchage doit se faire le plus lentement possible. Si le séchage se fait lentement et de manière maîtrisée, vous n’aurez aucune fente à déplorer une fois votre kuksa finie.
- Peignez le bois de bout (la partie où l’on voit les cernes) ou mettez-y de la colle, dès que vous coupez ou que l’on vous confie votre billot de bois vert,
3 – Equarrir le morceau fendu à la hache
Pour maîtriser au maximum la géométrie de votre tasse, il est important d’équarrir votre morceau de bois vert fendu pour en faire un parallélépipède.
Placez votre morceau de bois fendu sur un billot de travail et commencez à sculpter chaque surface à l’aide de votre hache.
Il n’est pas nécessaire que votre billot soit parfaitement plan et parallélépipédique mais essayez de vous en approcher au mieux.
Vous ne savez pas encore comment manier votre hache de sculpture avec efficacité ET en toute sécurité ? Je vous encourage à lire mon futur article « Comment sculpter du bois à la hache ? » pour tout connaître sur la bonne méthode pour utiliser sa hache tout en minimisant efforts et blessures (à venir bientôt).
4 – Dessiner la forme de la tasse sur le bois
- Pour dessiner la forme ronde de votre kuksa, prenez un compas ou des objets du quotidien de forme ronde.
- Tracez le ou les cercles à l’aide d’un crayon papier gras (un crayon de charpentier est idéal pour ça).
- Tracez d’abord le cercle du dessus de la kuksa
- Pour minimiser les fentes, il est généralement préférable d’avoir le dessus de votre tasse côté « écorce » avec le fond de la tasse vers le coeur du bois. Ce n’est pas une règle absolue mais les tensions de séchage minimisent les risques de fente dans cette configuration.
- Tracez ensuite le manche et prenant bien soin de le dessiner dans le sens des fibres du bois pour assurer sa solidité.
- Dessinez à présent la base de votre tasse.
- Faites descendre des lignes droites perpendiculaires qui passent par le centre de votre cercle du dessus jusqu’au plan du dessous pour vous assurer de centrer convenablement la base de votre tasse par rapport à au dessus de celle-ci.
- Ne dessinez pas la base trop étroite, sinon vous risquez d’obtenir à la fin une tasse qui se renverse facilement quand on la pose : pas exactement l’effet recherché pour un contenant à boisson…
- Le diamètre doit être plus petit que l’ouverture en partie haute mais seulement d’un maximum de 20% plus petit.
5 – Sculpter à la hache le gros de l’extérieur de la tasse
Une fois tous vos tracés effectués, vous pouvez commencer à travailler « la bête ».
L’idée dans cette étape est de sculpter le plus possible de l’extérieur du bol tout en laissant des zones plates assez larges en « bois de bout » (partie du bois où l’on peut voir les cernes de croissance) afin de pouvoir faire tenir la pièce sur le banc de sculpture (banc de sabotier ou gros étau d’établi).
- Commencez par couper les fibres du bois jusque au manche pour pouvoir plus facilement sculpter jusqu’à sa base
- Sculptez ensuite la partie ronde de votre tasse
- en commençant de manière perpendiculaire au plan du dessous et de la base de la tasse
- Sculptez ensuite un gros chanfrein à la hache pour vous rapprocher de la base de votre kuksa
- Finissez ensuite la forme générale de l’extérieur de votre kuksa à l’aide d’une plane ou mieux d’un couteau à fendre Mora 220
6 – Sculpter à la gouge l’intérieur de la tasse
- Placez maintenant votre kuksa sur votre banc de sculpture ou dans votre gros étau d’établi
- Si comme moi vous avez un banc de sabotier, la meilleure méthode pour faire tenir votre tasse est de la caler avec d’autres pièces de bois et des coins plus ou moins gros pour fixer le morceau à sculpter alors pris dans un véritable étau.
- Prenez maintenant votre gouge droite 8 / 25 et votre maillet et commencez par le centre de votre tasse ET dans le sens des fibres (sens des flèches sur la photo de gauche ci-dessus)
- C’est important car cela minimise les fentes possibles
- Une fois ce premier creusement établi poursuivez en élargissant ce creusement vers l’extérieur
- Creusez ensuite plus profond encore en procédant de la même manière.
- Quand vous êtes assez profond dans votre tasse (il faut laisser un bon centimètre dans le fond de la tasse), prenez votre gouge courbée (8L/25) pour arrondir et finir les bords verticaux de la kuksa
- creusez en vérifiant régulièrement l’épaisseur des parois verticales
- laissez vous une petite marge d’épaisseur pour les finitions extérieures mais essayez néanmoins d’enlever le maximum d’épaisseur car les parois à ce niveau ne doivent pas être trop épaisses (entre 5mm et 10mm grand maximum)
- Pour le fond, prenez votre couteau croche et sculptez le fond progressivement
- les premiers copeaux sont un peu aléatoire au début car le fond est chaotique au départ du fait du travail précédent des gouges mais plus vous allez sculpter le fond plus vous allez pouvoir enlever des copeaux lisses au fur et à mesure.
7 – Finir de sculpter l’extérieur : finitions du bol et du manche au couteau
- Pour finir l’extérieur de la tasse à présent que l’intérieur est terminé, efforcez-vous de minimiser le travail à la hache et surtout de ne provoquer aucun impact de hache perpendiculairement au bol extérieur de la tasse.
- Commencez par fendre le surplus de bois autour du manche.
- Sculptez ensuite le manche
- Une méthode pour protéger le bol de la kuksa des impacts de hache dans cette configuration consiste à faire en sorte que les coups de hache s’arrêtent en butant contre le bord de votre établi de sabotier (ou banc de sculpteur) avant d’atteindre les bords extérieurs de votre tasse.
- Sculptez à présent la forme définitive de la tasse en utilisant tantôt votre couteau de sculpture et tantôt votre plane ou couteau à deux manches. N’hésitez pas à reprendre aussi l’intérieur du bol au couteau croche pour affiner les surfaces.
- N’allez pas jusqu’aux toutes dernières finitions à ce stade car il faut attendre le séchage complet de la kuksa pour passer aux derniers détails de finition.
- Votre bol est maintenant prêt pour le séchage.
Restera ensuite les dernières petites retouches lorsque le bois sera parfaitement sec.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le maniement du couteau et les bonnes postures pour être efficace en travaillant avec cet outils, je vous encourage à lire mon article « Sculpter du bois au couteau : gestes de base et sécurité ».
8 – Sécher votre tasse
Si vous avez bien suivi mes conseils pour minimiser les fentes au séchage pendant la phase de fabrication de votre tasse, vous allez pouvoir maintenant finir cette phase de séchage en poursuivant vos efforts.
Je vous conseille notamment de :
- Laissez toujours sécher votre tasse à l’abri du soleil et du vent, dans un endroit le plus frais possible
- Sortir votre tasse de son sac plastique tous les jours pendant quelques heures seulement
- surtout si vous fabriquez votre kuksa en période estivale (dans ce cas laissez-la sécher à l’air libre la nuit)
- à ce titre, les meilleures périodes pour sculpter une tasse en bois sont l’automne, l’hiver et le début du printemps car les températures sont relativement basses et le niveau d’humidité relativement élevé, toutes conditions qui permettent un séchage lent.
- Au besoin, ajouter des copeaux humides dans votre sac plastique pour maintenir une ambiance humide
- Une fois que votre tasse vous semble sèche dehors, vous pouvez la rentrer progressivement quelques heures par jour en à l’intérieur, à l’atmosphère plus sèche et plus chaude pour finir le séchage.
- Selon la saison, le temps de séchage est plus ou moins long (entre quelques jours en saison estivale à une, deux voire trois semaines en saison plus humide).
- N’essayez pas de faire sécher votre tasse trop vite, c’est une des causes majeures de fente.
9 – Finir votre tasse : options de huilage et peinture
Une fois votre Kuksa bien sèche, vous voilà prêt à faire les dernières retouches au couteau pour finaliser les finitions.
Il ne vous reste plus ensuite qu’à la huiler et la peindre si vous le souhaitez :
- Les meilleures huiles sont des huiles alimentaires et siccatives (autrement dit des huiles qui sèchent pour former une pellicule imperméabilisante sur le bois).
- Les meilleures huiles pour cela sont les huiles de lin, de chanvre, de chia et de perilla. Si l’huile de tung (ou huile de bois de chine) est excellente pour le bois habituellement, elle est à proscrire pour une utilisation alimentaire car elle est toxique.
- Appliquez l’huile en une fine couche que vous essuierez aussitôt afin de retirer tout excès. Cela est tout aussi efficace et facilite la polymérisation de l’huile en surface. Vous pouvez badigeonnez ainsi plusieurs couches successives après séchage de chaque couche précédente.
- Il faut 2 à 3 semaines (voire plus en saison humide et froide) à l’huile de lin pour polymériser de manière définitive. Alors soyez patient.
- Vous pouvez bien sûr peindre l’extérieur de votre tasse à l’aide soit de peinture à l’huile, soit de peinture à la caséine. Ces deux peintures sont celles qui tiennent le mieux à une utilisation prolongée et à des lavages fréquents. N’oubliez pas d’ajouter une couche d’huile après séchage de la peinture afin de prolonger la durée de vie de celle-ci.
- Attention : les huiles siccatives sont sujettes à l’auto-combustion lorsque présente sur des chiffons. Pensez donc toujours à mouiller abondamment votre chiffon ou sopalin une fois que vous avez fini d’essuyer votre huile et à le jeter ensuite à la poubelle, idéalement une poubelle extérieure.
Si vous cherchez un projet de sculpture qui serait le parfait complément de votre toute nouvelle kuksa, rendez-vous sur mon article « Comment sculpter une cuillère en bois ? » où vous pourrez développer encore vos savoir-faire de sculpture et trouver un compagnon idéal à votre tasse en bois.