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Une gouge de sculpture n’est pas l’outil le plus facile à affûter. La forme courbe du tranchant et les exigences de la sculpture bois en font un outil avec des spécificités techniques à prendre en compte dans l’affûtage. Mais avec les bonnes informations et une certaine dose de rigueur dans le suivi des opérations d’affûtage, il est tout à fait possible d’apprendre à affûter correctement une gouge en tant que débutant.
J’espère que les détails qui suivent vous aideront dans cet apprentissage essentiel de l’affûtage de vos gouges.
On affûte une gouge de sculpture bois en s’assurant du bon angle du tranchant dans un premier temps et en le reformant si nécessaire avec un grain grossier. On l’affûte ensuite au grain fin pour finir enfin par un passage au cuir pour assurer une finition parfaite et une bonne tenue du tranchant.
La méthode que je décris dans cet article est une méthode d’affûtage parmi de nombreuses autres et je ne prétends certainement pas détenir la meilleure. Mais elle fonctionne très bien pour moi et je trouve intéressant de pouvoir vous en faire profiter.
D’autres articles suivront bientôt sur l’affûtage des autres outils spécifiques à la sculpture : l’affûtage du burin et du fermoir notamment. Bonne lecture.
- Quel matériel faut-il pour affûter sa gouge ?
- Quel angle d’affûtage choisir pour une gouge ?
- Comment former le bon angle d’affûtage sur une gouge ?
- A quel point votre gouge est-elle désaffûtée ?
- Comment affûter sa gouge avec une pierre de finition ?
- Comment retoucher le tranchant au cuir d’émorfilage ?
1 – Quel matériel faut-il pour affûter sa gouge ?
Pour affûter votre gouge avec la méthode que je décris dans cet article, il vous faut :
- De l’abrasif à grain grossier pour reformer le biseau extérieur si besoin :
- Vous trouverez de bons abrasifs à grain grossier de marque Matador ici (un grain de 220 ou inférieur sera idéal). Vous devrez les coller sur une planchette en bois (en contreplaqué ou MDF).
- Un morceau de bois plat (ou contreplaqué ou MDF) sur lequel coller ou agrafer l’abrasif à grain grossier.
- De l’abrasif papier à grain fin pour l’affûtage proprement dit :
- Des abrasifs papier de marque Matador et de grain 5000 et 7000 conviennent bien dans ce cas.
- Un morceau de bois (tasseau ou lambourde) sur lequel vous collerez l’abrasif de finition et du cuir que vous enduirez de pâte abrasive :
- Vous trouverez ici du cuir (pâtes abrasives fournies) et là une pâte abrasive de qualité de chez Dialux (pour ceux qui ont déjà du cuir)
- Un tourillon en bois pour l’affûtage et l’émorfilage des gouges creuses (n°8 à 11)
2 – Quel angle d’affûtage choisir pour une gouge ?
Avant même de commencer à affûter un tranchant de gouge, il faut savoir quel angle doit avoir votre gouge pour sculpter de manière optimale.
L’angle d’affûtage des gouges pour sculpter des bois tendres à mi-durs
Un angle extérieur entre 17 et 22°
Pour des bois tendres, l’angle extérieur d’une gouge est déterminé par sa position lorsque vous l’utilisez « couchée ». C’est la position que vous adoptez pour faire des coupes linéaires du bois : une main sur le métal, pouce vers le manche, l’autre main sur le manche pouce vers le manche (voir photo ci-dessous).
En effet, dans cette position, votre main tenant la partie métal de votre gouge doit pouvoir se poser sur le bois à sculpter tout en ayant le tranchant qui coupe le bois. Même si des variations individuelles sont possibles en fonction de la position de la main, cet angle se situe généralement entre 17°et 22° maximum.
Si cet angle est trop fort, votre main qui tient la partie en métal de la gouge est obligée de se positionner de manière très élevée par rapport à la surface du bois pour pouvoir « mordre » le bois. Cela induit alors une moins grande stabilité de votre gestuelle, une plus grande fatigue et un plus grand stress de vos muscles et articulations (notamment au niveau de la main et du poignet).
Si vous voulez en savoir plus sur les différentes prises de la gouge en sculpture, lisez mon article détaillé sur la question : « Comment tenir sa gouge quand on sculpte ? ».
Ne vous fixer pas trop sur la valeur numérique exacte de cet angle, surtout si vous n’avez pas d’instrument spécifique pour le mesurer. L’important est de pouvoir reproduire, pendant l’affûtage, ce fameux angle de ce que j’appelle la « gouge couchée ».
Observez cet angle attentivement en prenant votre gouge dans cette position couchée. Notez-le mentalement et visuellement pour pouvoir le reproduire, quitte à vous remettre régulièrement dans cette position à vos débuts en affûtage pour vous en rappeler. Par la suite, cet angle vous viendra très naturellement dans votre gestuelle d’affûtage. Vous allez progressivement le mémoriser.
Un angle intérieur d’environ 5°
L’angle intérieur n’est pas absolument indispensable mais est intéressant pour deux raisons :
- Il permet de renforcer le tranchant
- Si votre angle extérieur est de 15° seulement, cela reste un angle relativement fragile pour un tranchant même sur du bois tendre potentiellement.
- Il optimise le travail avec la gouge retournée, c’est à dire avec sa partie concave coupant le bois.
- Cette disposition est surtout valable avec les gouges méplates et mi-creuses car les gouges creuses sont bien plus rarement utilisées à l’envers.
L’angle intérieur de renfort ne doit pas être trop important pour du bois tendre. Pour cette raison un angle de 5° suffit amplement dans ce cas.
L’angle d’affûtage des gouges pour sculpter des bois durs
Un angle entre 17 et 22 degrés, idéal pour un bois tendre, est trop fragile pour un bois dur.
On renforce alors le tranchant en augmentant l’angle entre 25 et 30° maximum. On peut ainsi forcer sur la gouge sans endommager son tranchant trop rapidement.
Pour maintenir la prise « couchée » optimale qui permet de « mordre » le bois tout en ayant la main posée sur le bois, le mieux est alors d’augmenter l’angle par le biseau intérieur de la gouge. Si vous avez un angle extérieur de 15°, en affûtant votre angle intérieur à 10° au lieu de 5, vous obtiendrez un angle global de 25° ce qui est nettement préférable pour du bois dur. Certains sculpteurs montent parfois jusqu’à un angle de 30°.
3 – Comment former le bon angle d’affûtage sur une gouge ?
Vérification de l’angle d’affûtage à l’achat d’une gouge
Quand vous achetez vos gouges, la première chose à faire est de vérifier qu’elles accrochent le bois lorsque vous les tenez en position « couchée ». Sauf exception, c’est malheureusement rarement le cas.
Vous allez donc devoir former l’angle extérieur de 17 à 22° par vous-même. Il existe deux méthodes pour le faire :
- Une plus rapide à l’aide d’une meule électrique ou manuelle
- Une un peu plus longue à la main avec soit des pierres d’établi, soit des abrasifs papier collés sur des planchettes.
Je vais décrire ici la méthode avec des pierres d’établi ou des abrasifs papier qui est de loin la méthode la plus utilisée par les débutants.
Cela prend du temps, c’est indéniable. Mais ne désespérez pas car une fois que cela est fait il n’y aura plus à y revenir de toute la « vie » de la gouge si vous vous y prenez correctement lors de vos affûtages futurs. L’angle sera formé et vous n’aurez alors « plus qu’à » retoucher le tranchant régulièrement à la pierre, opération qui prend nettement moins de temps.
Former le bon angle à l’aide d’abrasif grossier (pierre d’affûtage ou papier abrasif)
Pour former le bon angle à la main, le mieux est d’utiliser soit une pierre d’établi (naturelle ou diamantée), soit des abrasifs papier collés par vos soins sur des planchettes.
Dans un cas comme dans l’autre prenez le grain le plus grossier que vous pouvez trouver car cette opération nécessite d’enlever beaucoup de métal. Cela prend donc du temps, surtout à la main. Donc plus votre abrasif sera grossier, plus vous diminuerez votre temps de travail d’affûtage.
Si vous voulez en savoir plus sur les différentes normes de grain et ainsi pouvoir vous y retrouver entre les différentes numérotations des papiers abrasif, des pierres à eau japonaises et des pierres diamantées, je vous conseille fortement la lecture de mon article « Quelles pierres pour affûter son couteau de sculpture ? » où vous trouverez un tableau comparant les normes de grain.
L’idée est de réussir à garder l’angle de la position « couchée » de la gouge tout au long du processus.
Voyons ensemble les étapes de formation d’un nouvel angle extérieur :
- Coloriez à l’aide d’un marqueur le tranchant extérieur.
- Placez votre pierre d’établi au grain grossier sur une table devant vous.
- Prenez votre gouge en main et, tout en étant debout, placez le tranchant extérieur en contact avec la pierre, la gouge perpendiculaire à la pierre.
- Placez maintenant la gouge au bon angle par rapport à la pierre.
- Tout en maintenant cet angle, vous allez faire glisser le tranchant extérieur le long de la pierre tout imprimant à la gouge un effet de balancier.
- Pour travailler en faisant bouger le minimum l’angle que vous avez choisi, placez vos coudes le long de votre buste pour minimiser les mouvements parasites de vos bras et essayer de bouger l’ensemble de votre corps pour faire glisser la gouge d’un bout à l’autre de votre pierre d’affûtage.
- Faîtes une dizaine de passage sur la pierre et regardez le résultat en vous aidant des traces de marqueur restantes.
- Recommencez ainsi le processus jusqu’à ce que le métal soit enlevé jusqu’au tranchant (c’est à dire jusqu’à enlever la totalité des traces du marqueur).
- Veillez à former un angle extérieur le plus plat possible.
- Seul le « talon » de cet angle (transition entre la longueur de la gouge et le plat extérieur du tranchant) peut être arrondi. C’est même recommandé mais peut être fait dans un deuxième temps.
Vous voilà maintenant avec un angle extérieur qui convient à la position de vos mains quand vous sculptez. C’est une étape cruciale dans l’affûtage des gouges. Car sans cela, difficile de sculpter de manière réellement effective.
Une fois cette étape franchie, vous allez pouvoir affûter votre gouge avec une pierre de finition avant de passer en dernière étape au cuir d’émorfilage
4 – A quel point votre gouge est-elle désaffûtée ?
Lorsque vous sculptez vous êtes amené à retoucher vos gouges régulièrement. Mais avant de vous précipiter sur vos pierres d’établi vous devez savoir juger de quel traitement votre gouge a besoin. Car le passage à la pierre n’est pas obligatoire à chaque fois.
Comment savoir s’il faut réaffûter le tranchant à la pierre de finition puis au cuir ou si un passage au cuir seul suffit ?
- Votre gouge coupe bien et laisse toujours une trace nette et sans marque ?
- Retouchez alors votre tranchant régulièrement au cuir (toutes les heures d’utilisation minimum)
- Vous commencez à avoir l’impression de forcer plus sur la gouge et/ou des marques apparaissent sur le bois et/ou la coupe n’est plus nette ?
- Dans ce cas, votre tranchant est endommagé et doit être repris d’abord à la pierre de finition puis à cuir.
5 – Comment affûter sa gouge avec un abrasif de finition ?
Pour affûter votre gouge avec un abrasif de finition, vous avez le choix entre deux méthodes :
- A la pierre de finition (c’est à dire la même méthode que pour former le bon angle mais avec une pierre plus fine)
- A la spatule « formée » sur laquelle est collée de papier abrasif fin.
Méthode à la pierre de finition
Vous reprenez le geste de va-et-vient avec mouvement semi-circulaire du tranchant que j’ai décrit au chapitre sur la formation du bon angle à la pierre d’établi.
N’oubliez pas de colorier le tranchant au marqueur épais.
Quand vous avez affûté votre tranchant sur toute la largeur du pas de la gouge, vérifiez l’apparition d’un morfil sur le côté intérieur du biseau (petite protubérance de métal que l’on sent en passant le doigt sur le côté opposé au côté venant d’être affûté).
Quand le morfil est bien présent, affûtez le côté opposé (le côté du morfil) à l’aide d’une petite spatule de papier abrasif spécialement bricolée pour cette étape.
Veillez bien à garder le bon angle entre la pierre et votre gouge (angle de la prise « couchée »).
Pour ce faire :
- Maintenez bien les coudes collés à votre buste
- Faites un va-et-vient de l’ensemble du corps pour minimiser les mouvements parasites
- Vérifiez régulièrement vos marques par rapport au coloriage du marqueur et corriger votre geste en fonction des imperfections notées
Méthode à la plaquette d’affûtage « bricolée »
Une autre méthode consiste à se faire une petite spatule de bois dans laquelle vous allez littéralement sculpter la partie concave ainsi que la partie convexe du pas de la gouge que vous souhaitez affûter.
Ces deux parties doivent être autant que possible aussi étendue voire plus étendue que le pas de votre gouge pour optimiser l’affûtage.
Cela va vous permettre d’avoir une plaquette d’affûtage dédiée à ce pas de gouge pour retoucher aussi bien l’extérieur du tranchant (dans la « gorge » de la plaquette d’affûtage) que l’intérieur de celui-ci (sur la tranche de la plaquette).
Une fois votre « plaquette » ainsi bricolée, vous allez pouvoir agrafer dessus du papier abrasif de grain fin sur la moitié de la plaquette et du cuir sur l’autre moitié.
aux dimensions appropriées à votre tablette et agrafez-lez dessus.
Avant de commencer l’affûtage, pensez à coloriez le tranchant au marqueur.
Vous pouvez maintenant affûter votre gouge :
- soit en posant votre spatule sur une table et en passant la gouge dans sa gorge à reculons pour éviter de découper le papier et tout en gardant toujours le bon angle,
- soit en tenant la gouge fixe dans votre main (tranchant vers le haut) et en faisant un mouvement de va-et-vient latéral avec votre spatule tenue dans l’autre main, la gouge bien calée dans sa gorge. Pensez à mouiller légèrement votre papier pour une meilleure efficacité du papier.
- Faites ainsi avec une méthode ou l’autre au moins une quinzaine de va-et-vient, puis essayer de sentir le morfil (petite protubérance métallique sur le tranchant) du côté intérieur de la gouge. Si vous sentez ce morfil sur toute la largeur du tranchant, vous pouvez passez à l’affûtage de l’intérieur de la gouge. Sinon, recommencez pour une nouvelle quinzaine de passes et ainsi de suite jusqu’à obtention d’un morfil continu.
- Lorsque l’extérieur du tranchant est affûté (le morfil se ressent de manière continue), vous pouvez passer à l’affûtage de l’intérieur avec la partie « tranche » de votre spatule. Pensez à maintenir l’angle de 5 (pour du bois tendre) à 10° (pour du bois dur) pour renforcer le tranchant.
- Pour une gouge creuse (n°8 à 11), le mieux pour l’affûtage du côté concave de la gouge est un petit morceau de tourillon dont le diamètre correspond au mieux au pas de la gouge creuse, le tout entouré de papier abrasif (voir photo).
correspondant au diamètre intérieur du pas de la gouge.
- Une fois les deux côtés du tranchant affûtés, il vous reste à passer les deux côtés du biseau au cuir pour l’émorfilage (aussi appelé démorfilage).
6 – Comment retoucher le tranchant au cuir d’émorfilage ?
La dernière étape d’affûtage est l’émorfilage au cuir. Pour une gouge, de mon point de vue, la meilleure manière de procéder pour cette étape ultime est d’avoir là aussi bricolé une petite plaquette en bois formée au pas de la gouge. Si vous avez suivi ma méthode vous l’avez déjà car il s’agit de l’autre moitié de la plaquette.
Pour l’ensemble de vos gouges cela peut représenter une bonne série de plaquettes. Mais je trouve que le temps « perdu » au départ à bricoler ces plaquettes est largement gagné sur le long terme car cela simplifie ensuite grandement l’affûtage.
Vous effectuez des passes toujours « à reculons » afin de ne pas couper le cuir avec le tranchant. Prenez toujours soin de bien garder le bon angle de chaque côté du biseau. Faîtes une bonne vingtaine de passes de chaque côté.
Testez alors votre gouge sur un morceau de bois tendre pour voir si le tranchant est bien coupant sur toute sa largeur.
Pour un fini parfait, la coupe doit être fluide et sans effort et ne laisser aucune marque sur le bois. Si ce n’est pas le cas, renouvelez une série d’une bonne vingtaine de passes au cuir et revérifiez. Et ainsi jusqu’à obtention d’une coupe nette et fluide.